Thèses

2016 Khadidja Klouch

Station Biologique de Roscoff - UPMC - PELAGOS, Ifremer

Khadidha Klouch a soutenu sa thèse intitulée "Paléoécologie des protistes à partir d'archives biologiques provenant d'écosystèmes marins côtiers" le 29 septembre 2016.

Résumé

Les protistes sont d’importants contributeurs aux cycles biogéochimiques de l’environnement marin. La composition de leurs communautés et leur dynamique temporelle sont traditionnellement étudiées en analysant des séries de données acquises dans le cadre de réseaux de surveillance/observation du plancton dont la mise en place est relativement récente (≤40 ans). Dans cette étude, nous avons analysé les traces biologiques (formes de résistance et ADN ancien) préservés dans des sédiments couvrant une échelle temporelle d’environ 150 ans afin d’étudier les changements de la composition et la dynamique temporelle des protistes marins, principalement dans deux écosystèmes estuariens de la rade de Brest (Bretagne, France). Ces changements ont été étudiés à trois niveaux de complexité biologique: communautés, espèces et populations. La diversité des protistes et leur potentiel de préservation dans les sédiments au fil du temps ont été évalués à travers l’utilisation d’une approche de metabarcoding (barcode: région V4 du 18S ADNr) sur l'ADN extrait à partir de sédiments anciens. Les résultats montrent que seulement une partie minoritaire (16-18%) de la richesse des protistes (#OTUs) des sédiments superficiels est retrouvée dans les sédiments profonds et que la plupart des protistes présents dans les sédiments anciens sont connus pour être capables de produire des formes de résistance. La composition des communautés de protistes étaient différenciées en deux principales paléocommunautés (avant/après 1950), suggérant une biodiversité spécifique à chaque période. Les abondances relatives des dinoflagellés ont montré une tendance à la baisse depuis les années 70’ et les genres Alexandrium et Gonyaulax ont montré une dynamique opposée en termes d’abondance relative à travers le temps. Ces changements de communautés sont probablement la conséquence des variations hydrologiques documentées en rade de Brest au cours du dernier siècle. La prise de conscience de l’importance du genre Alexandrium, dévoilée par l’étude de metabarcoding, a conduit à l’étude de la dynamique multidécennale de l’espèce Alexandrium minutum. Cette dernière est classifiée comme invasive en Europe et a attiré l’attention en rade de Brest suite aux évènements d’efflorescences toxiques apparus depuis 2012. Les données paléogénétiques (PCR en temps réel) suggèrent qu’A. minutum est présente dans la rade depuis au moins 1873 ± 7 et qu’au cours des derniers 150 ans, l’espèce est devenue envahissante, proliférant dans les estuaires de la rade seulement ces dernières années. La mise en évidence de la prolifération récente d’A. minutum dans les estuaires de la rade de Brest nous a amené à nous interroger sur la distribution actuelle de l’espèce dans l’ensemble de cet écosystème. L’analyse des traces d’ADN d’A. minutum et des expériences de germination des kystes effectuées sur des sédiments superficiels de trente sites échantillonnés pendant deux hivers consécutifs (décembre 2013 et janvier 2015) a révélé que l’espèce occupe et qu’elle est potentiellement capable de germer dans tous les sites étudiés. Les données de PCR en temps réel suggèrent que la partie sud-est de la rade, où des sédiments à typologie vaseuse sont plus abondants, est potentiellement plus favorable à l’accumulation des kystes de l’espèce. Cette hétérogénéité de la distribution spatiale dans le sédiment a également été retrouvée dans l’eau. La simulation par modèle lagrangien des trajectoires de particules physiques montre une déconnexion entre les estuaires de la rade et suggère la présence de barrière de dispersions des cellules d’A. minutum dans l’eau. Pour essayer d’expliquer les raisons des proliférations récentes d’A. minutum dans les écosystèmes bretons, nous avons comparé les performances physiologiques de souches d’A. minutum et Scrippsiella donghaienis (dinoflagellé non toxique). Ces souches ont été obtenues à partir de la germination des kystes accumulés dans les sédiments d’époques différentes. En mimant les changements historiques des rapports Azote/Phosphore (N/P) qui ont eu lieu dans les écosystèmes bretons au cours du dernier siècle, les taux de croissance et de consommation de phosphore, et la biomasse maximale atteinte par les différentes souches ont été mesurés dans des milieux de cultures ayant un rapport N/P différent (25 et 100). Les résultats montrent une forte variabilité phénotypique intraspécifique au sein des deux espèces et dans les deux milieux étudiés. Les résultats de ces travaux de thèse, discutés dans un contexte de changements des communautés de protistes à travers le temps, contribuent au domaine de la recherche en paléoécologie sédimentaire, montrant les avantages et les limites de cette approche pour révéler des patrons biologiques encore peu explorés.

Mots-clés : Paléoécologie ; Ecosystèmes côtiers ; Protistes ; Dinoflagellés ; Efflorescences d’algues toxiques (HABs) ; formes de résistance ; ADN ancien ; Plancton ; Ecologie moléculaire ; Metabarcoding ; PCR en temps réel.

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