EFFLOREX
Le phytoplancton responsable des efflorescences algales dans les lagons exploités de Polynésie : étude des potentiels nutritionnel et toxique
L’Institut Louis Malardé (ILM), développe actuellement un programme de recherche (EFFLOREX, 2014-2016) sur le phytoplancton responsable des efflorescences algales (HABs) dans les lagons exploités de Polynésie (Takaroa, Ahe). Ce programme est développé en partenariat avec des chercheurs de l’IRD Tahiti, l’Ifremer Tahiti et l’EPHE-CRIOBE de Perpignan.
Les efflorescences algales sont des phénomènes récurrents dans les lagons de Polynésie, et leur fréquence d'apparition tend à augmenter ces dernières années. Citons pour mémoire l'efflorescence algale d'avril 1994 qui a décimé toute la faune de l'atoll de Hikueru, privant du même coup les habitants de cet atoll de leurs principales sources de nourriture (poissons) et de revenus (nacres). Spectaculaires par les phénomènes d'eaux colorées qu'elles génèrent, ces efflorescences algales planctoniques peuvent accessoirement entraîner des mortalités de masse de la faune lagonaire dans les zones affectées par ces phénomènes (poissons, élevages d’huîtres perlières). Cependant, dans la plupart des cas, ces proliférations épisodiques n’ont fait l’objet, au mieux, que d’observations isolées ou de rapports internes réalisés par le service des pêches. Ainsi, 20 ans après la crise majeure de Hikueru, nos connaissances sur le déterminisme des efflorescences phytoplanctoniques n’ont que très peu progressé. De même, l’inventaire taxinomique précis des algues impliquées dans ces proliférations fait toujours cruellement défaut.
Par ailleurs, le développement de la perliculture dans de nombreux atolls de Polynésie qui place l’huître perlière, filtreur benthique, en position pélagique et donc en forte interaction avec le phytoplancton, impose aujourd’hui une meilleure prise en compte de ce phytoplancton dans le fonctionnement global des écosystèmes corallien. A ce titre, les travaux menés dans le cadre du 9ème FED sur la professionnalisation et la pérennisation de la perliculture dans les atolls de Ahe et Takaroa a montré que plusieurs espèces du nano- et microphytoplancton (nanoflagellés, diatomées, dinoflagellés) pouvaient contribuer de manière substantielle au régime alimentaire de P. margaritifera en milieu nature.
Dans ce double contexte d’algues soit nuisibles, soit source alimentaire des nacres, une meilleure prise en compte des efflorescences algales planctoniques dans les lagons exploités de Polynésie nous paraît donc aujourd’hui constituer un axe de recherche prioritaire, au regard des observations suivantes :
- diversité des organismes mis en cause dans les efflorescences passées,
- prédisposition de certains atolls vis-à-vis de ces phénomènes de prolifération,
- fort potentiel de valorisation des espèces « fourrages » pour la pérennisation de la filière perlicole,
- risque sanitaire associé à la consommation de certains produits marins (poissons, bénitiers, nacres) dont dépendent fortement les populations locales pour leur alimentation de base.
Les travaux de recherche menés dans le cadre du programme EFFLOREX consisteront à :
- identifier les principales espèces efflorescentes du nano- et microphytoplancton via des essais d’enrichissement en mésocomes (Figures 1 et 2),
- étudier leur écophysiologie pour identifier les facteurs du milieu susceptibles d’être à l’origine de leur prolifération,
- évaluer leur intérêt en tant qu’algues fourrages pour les naissains de P. margaritifera
- ou, à l’inverse, le danger potentiel qu’elles peuvent représenter pour la faune et les populations résidentes via la bioaccumulation de toxines algales dans la chaîne alimentaire lagonaire.
In fine, Efflorex vise i) à proposer une méthodologie d’intervention rapide applicable à d’autres atolls où les efflorescences algales sont fréquentes ; ii) à poser les bases d’un plan de surveillance et de gestion des efflorescences phytoplanctoniques dans les lagons exploités de Polynésie, en étroite synergie avec les services concernés du Pays.
Figure 1 : Mésocosme déployé in situ
Figure 2 : Exemple d’espèces efflorescentes isolée d’un lagon à vocation perlicole de
Polynésie Française. A) Nitzschia closterium ; B) Amphidinium sp.